En 1924, c'est la rupture. Contre l'avis de sa mère, qui d'ailleurs
n'apréciera jamais véritablement l'art de son fils, Wehrlin abandonne
ses études et s'installe à Paris dans le quartier Montparnasse. Pour
améliorer sa technique, il s'inscrit dans diverses académies ( Jullian,
Ranson, Grande chaumière). Il y sera l'élève d'André Lhote.
De cette époque datent de nombreux nus et portraits dont le traitement
" à facettes" n'est pas sans rappeler quelques réminiscences cubistes,
résultat de l'influence de Lhote, artiste resté très marqué par ce mouvement
du début du siècle.
Wehrlin
peint de nombreux autoportraits, des visages, des bustes mais aussi
des portraits en taille et en pied. "Il est souvent difficile d'identifier
comme tels ces autoportraits, Wehrlin se souciant peu de ressemblance.
Ce sont des portraits comme les autres, non des images narcissiques,
mais des auto-analyses distanciées et sans complaisance. Ils ont même
parfois un caractère nettement satirique et restent si proche de l'esquisse
qu'ils semblent inachevés, comme si l'artiste avait craint d'aller trop
loin et d'approcher davantage le mystère de sa propre existence." (R.Koella)
Autoportrait
au melon ca.1925
huile sur carton - 30,5x35
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Autoportrait
ca.1925
huile sur toile - 41x33
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L'environnement
culturel très riche du Paris de cette époque forme son goût et son style.
Les salles classiques puis modernes du Louvre le fascinent. Fort de
ce bagage culturel supplémentaire, ses contacts avec Kirchner deviennent,
entre 1925 et 1928, de plus en plus fertiles particulièrement sur le
plan graphique où l'influence de Kirchner et de son univers
tourmenté de Davos se caractérise chez Wehrlin par une production
importante d'une violence expressionniste extrême.
Mais à la fin des années 20 son esprit commence à être tiraillé entre
l'expressionnisme allemand que sa propre culture alémanique entretient
et sa nouvelle vie à Paris où sa rigueur germanique est atténue par
l'influence latine ambiante. Contrairement à l' expressionnisme, c'est
plus la forme que l'expression qui caractérise la création des artistes
parisiens dont les deux "locomotives" sont : Picasso et Matisse.
De
Matisse qu'il admire, "Wehrlin apprend qu'un tableau est en premier
lieu une surface que le peintre couvre de couleurs selon des règles
bien précises, ensuite que peindre signifie avant tout construire
une forme et que chaque construction véritable est le produit de
la sensibilité et de la raison. Il a appris aussi à adapter ses
compositions au format, au moyen de larges plans superposés en accentuant
les lignes horizontales et verticales (...) mais surtout, il a appris
a employer la couleur, à la renforcer, à la contenir. Avec un raffinement
délicat,il rapproche un rouge chaud d'un noir profond ou oppose
un vert pâle, un bleu clair voire un jaune citron à un blanc laiteux
et un gris chatoyant. En même temps, il accentue la matérialité
de la peinture et l'étale en couches compactes, creuvassées.(....)
Wehrlin est foncièrement un coloriste.(R.K) |
La
cuisine de la rue Vercingetorix ca.1926
huile sur bois |
L'essentiel
pour lui n'est pas de trouver une harmonie esthétique mais d'obtenir
par la couleur une expressivité maximale. Matisse aura selon R.Koella
autant d'influence sur Wehrlin que Kirchner. C'est peut-être de ces
deux influences culturellement et picturalement opposées que naîtra
dès 1928 un "style" Wehrlin; de Kirchner il retient surtout la spontanéïté
du trait et la force des couleurs, de Matisse "comment on donne un relief
à une image sans en renier sa planéité fondamentale."
Les
Trois Grâces 1930
huile sur carton - 36,5x40 |
Le
couple ca.1930
huile sur toile - 43x60 |
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